2014, photographies, 110 x 90 cm, et 70 x 90 cm

Le Littoral Belge

« Au café-brasserie du Parc, à Ostende, le temps semble s’être arrêté. Depuis 1930, rien n’a changé. Ni le bar en acajou, ni les tables de marbre vert, ni les hauts cafés-fltres plaqués argent. […] Même si la côte belge n’est plus vraiment ce qu’elle était. Si le béton a envahi la digue plus sûrement que les élégantes maisons à tourelles et pignons qui en composaient le charme. Et si le hamburger-frites a détrôné auprès des jeunes la moule et la glorieuse croquette aux crevettes. Pourtant, grands et petits communient depuis des générations dans le même attachement à la mer du Nord. Voyages saisonniers, vacances, loisirs, plaisirs, dont on ne revient pas indemne. » *

La côte belge est réputée pour ses nombreuses stations balnéaires, et durant la période estivale, elle devient le territoire de prédilection d’une horde de vacanciers belges et étrangers. Ce bout de terre adulé, qui lie la France au Pays-Bas, se positionne ainsi comme la première destination touristique à l’intérieur du pays. En longeant la côte, que ce soit à pied ou au sein du « Kusttram » (le tramway qui dessert 68 arrêts le long du littoral belge), à Blankenberge comme à Oostende, la lignée de bâtiments massifs, érigée, comme ressortant des profondeurs, étonne. Une partie de l’architecture de ces villes côtières est directement liée à l’activité touristique et résulte du tourisme de masse des années 1970. Ce phénomène a donné naissance à de nombreux édifices imposants, dont de hauts immeubles résidentiels sur le littoral, face à la mer. Cette hauteur qui contraste avec le plat pays, fait désormais partie intégrante du paysage, un paysage à mi-chemin entre la douceur de sa nature originelle et la rigidité de ces murs en béton. C’est cette esthétique paradoxale que j’ai voulu photographier le long de la côte belge, de la Panne à Knokke- Heist à travers ses 66km de plage et de dunes, en pleine Flandre Occidentale.

Dès que les premiers froids se font sentir, les vacanciers plient bagage et une ambiance nostalgique, presque mélancolique, envahit ces infrastructures estivales, comme en suspension dans le temps, en attente des prochains arrivants. Je reste seule, face à une cabine de plage aux volets désespérément clos, un banc vide, des palmiers défraîchis, une baraque à frite scellée et une aire de jeux désertée. Nulle trace de présence humaine. Des souvenirs d’enfance fugaces, en suspend, comme ce moulin à vent qui ne cessait de tourner, pourraient être la genèse de mes photographies au teintes délavées.

Camille Kerzerho

* Josiane Vandy, journaliste, extrait du journal belge « Le Soir », article consacré à l’écrivain-poète Michel Joiret.