Artline > p.12

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Forever until the end

Galerie Schaufenster, Séléstat (F).

Request Timeout, Out of Memory, Sophie Blum & Reynald Drouhin, 2013, installation in situ, mur brulé, fusain, dimension variable ; vue de l’exposition à la galerie Schaufenster.

Reynald Drouhin est un artiste dont on connaît beaucoup plus le travail réalisé avec et sur Internet et, en particulier, ses mosaïques, composées d’images extraites du web – le projet Des Frags ou la série des IP Mono- chrome. Cependant, il s’attache aussi régulièrement à présenter des œuvres en dehors de l’espace Internet. Du 10 novembre au 10 décembre, il s’as- socie à l’artiste Sophie Blum pour présenter, dans le cadre d’une expositi- on à la galerie Schaufenster, une installation qui, selon le principe de Schaufenster, est ouverte sur l’extérieur. Intitulée Forever until the end, l’installation propose, dans l’espace de la galerie et aux regards de la rue, une série d’inscriptions et de courtes phrase extraites des messages d’erreurs informatiques.

Les lettres formant les mots apparaissent au mur, en réserve d’une surface brulée, charbonnée. Les messages sont ceux que nous avons tous croisés et que nous lisons encore régulièrement sur nos écrans d’ordina- teur lorsqu’une application, une page web ou un logiciel rencontre un pro- blème. Issus du vocabulaire, de la « langue » informatique mais extraits de leur contexte, ces messages, en anglais, n’apparaissent ainsi pas immé- diatement comme transposition d’une alerte informatique. Sortis de leur contexte informatif et normé du média numérique, ils s’attachent à leur lieu d’apparition : la ville, l‘espace urbain. Ainsi, à l’instar des tags, des graffitis mais aussi des panneaux signalétiques et publicités, ces messa- ges viennent solliciter l’attention du passant et relèvent d’une signification toute différente. L’emploi du feu, résidu de la brûlure et de la destruction, leur ajoute une certaine intensité dramatique.

Qu’est-ce que « Out of Memory », « Unable to locate host », « Error system » ou encore « Access denied » peuvent signifier en dehors de l’interface informatique ? Quel sens peut prendre un message d’alerte (informatique) dans un contexte urbain ? C’est autour de ces questions que se joue la problématique de l’installation présentée : à la (quasi) universalité des messages d’erreurs informatique vient se confronter la spécificité du con- texte urbain, social et culturel de leur lieu d’apparition.

Dans leur note d’intention, R. Drouhin et S. Blum voient en ces courtes phrases, brulées au mur, une réflexion d’une dimension plus générale, qui renvoit à l’actualité et à la redondance du discours de contexte de « crise ». L’expression Toujours, jusqu’à la fin, replace ainsi le propos dans une réflexion sur notre société. Mais il est également fort possible que ces messages soient tant et si bien rattachés à leur contexte d’apparition, aux habitations, aux murs de la ville et au paysage de Sélestat – (presque) habitué aux interventions artistiques dans l’espace urbain – que le regar- deur les perçoit à la manière d’un tag ou d’une publicité, soit avec un œil distrait, amusé ou importuné, sans entrer de manière immédiate dans un raisonnement plus large. Cependant, dès lors que le message est identifié comme « message d’erreur informatique », apparaît sans nul doute un questionnement sur notre rapport aux nouvelles technologies et à leur présence dans notre quotidien. Ainsi, l’installation permet de révéler la pernicieuse incursion de ces technologies dans l’ensemble de nos envi- ronnements.

L’observateur peut alors aisément se référer à la science-fiction : le mes- sage d’erreur est un message d’alerte. Ce qui nous est dit ici est une mise en garde contre l’avènement d’une ère des machines qui, dans les moindres recoins de notre quotidien, viennent parasiter notre existence humaine. On se prend au jeu, on se laisse glisser dans la fiction catastrophe. Cependant, succédant au léger sourire qui accompagne le souvenir d’un film de science-fiction des débuts de l’informatique, se greffe alors une inquiétude certaine, celle de ne pas saisir ce qui se joue réellement derriè- re nos écrans, ni les conséquences que ces derniers peuvent avoir sur notre quotidien. Thomas W.

■ Exposition Forever until the End, Sophie Blum & Reynald Drouhin, du 9 novembre au 8 décembre 2013, galerie Schaufenster, 19 quai des pêcheurs, Sélestat, www.schaufenster.fr


Einen Monat lang empfängt die Galerie Schaufenster die Künstler Sophie Blum und Reynald Drouhin mit ihrer Installation in situ „Forever until the end“. Hinter diesem Ausdruck, von den Künstlern mit Hinblick auf die ver- fluchten Pärchen aus amerikanischen Roadmovies (Thelma und Louise, Bonnie & Clyde …) als „extrem naiv“ bezeichnet, versteckt sich in Wirklich- keit ein Nachdenken über unser Verhältnis zu den Medien vor dem Hinter- grund sozialer, ökonomischer und politischer Krisen. Der Computer als wichtigstes Arbeitsgerät von Reynald Drouhin wird zweckentfremdet und als Symbol für unser Unverständnis und für unsere Ohnmacht vor dem Aus- maß der Probleme verwendet, vor denen unsere Gesellschaft heute steht.