Dark Cloud

2025 | Vidéo sonore générative | 2 min | HD 1920 x 1080 px
Post-production Sophie Blum

Dark Cloud est une œuvre vidéo réalisée à partir d’intelligences artificielles génératives. Elle constitue le point de départ d’un projet plus large portant sur les conditions contemporaines de production des images, envisagées à l’intersection des crises écologiques, technologiques et politiques.

La vidéo met en scène un nuage noir évoluant dans un espace architectural perspectif, identifiable comme une galerie d’art contemporaine vide. Cette forme sombre, instable et suspendue, se déploie dans un environnement géométrique, contrôlé et apparemment neutre. Le nuage apparaît moins comme un phénomène naturel que comme une entité calculée et ambiguë, oscillant entre fluidité continue et menace latente.

La figure du cloud engage ici une double lecture. Elle renvoie simultanément au nuage atmosphérique associé aux dérèglements climatiques et au cloud numérique, infrastructure invisible mais omniprésente sur laquelle reposent les technologies contemporaines, en particulier les systèmes d’intelligence artificielle. Cette superposition met en tension le naturel et le technologique, le visible et l’invisible, le phénomène et l’infrastructure, tout en révélant l’illusion d’une image prétendument dématérialisée.

Le recours aux intelligences artificielles génératives n’est pas un simple choix technique, mais un élément central du dispositif critique. La vidéo explore la capacité de ces systèmes à produire des formes fluides, continues et optimisées, tout en rendant perceptible la logique de calcul, de flux et de simulation qui structure ces images.

La bande sonore immersive, composée de respirations sourdes, de murmures et de chuchotements, renforce l’instabilité de la forme et contribue à l’installation d’un climat de tension persistante. Le nuage semble traversé par des flux invisibles, comme s’il condensait des forces qui excèdent le cadre dans lequel il apparaît.

Le format court et cyclique de la vidéo instaure une temporalité répétitive, sans progression narrative. Cette suspension confronte le spectateur à une image qui ne se résout pas, mais se maintient comme un état. L’espace d’exposition, bien que virtuel et vide, n’apparaît plus comme un cadre neutre, mais comme un lieu déjà affecté par les logiques infrastructurelles qu’il héberge.

La vidéo propose ainsi un premier diagnostic de l’image contemporaine, envisagée comme symptôme d’un régime de production fondé sur l’optimisation, la circulation continue et l’invisibilisation de ses coûts matériels.

 

Dark Cloud, 2025, peinture acrylique, 141 x 94 cm.

La peinture Dark Cloud procède d’un déplacement pictural du projet vidéo. Elle ne cherche pas à en reproduire l’esthétique, mais à en mettre à l’épreuve les conditions de possibilité en réinscrivant l’image générée dans un champ matériel, gestuel et irréversible.

La composition représente un espace architectural perspectif, identifiable comme un lieu d’exposition, au sein duquel se condense une masse sombre instable. Le nuage, à la fois flottant et ancré, occupe le centre de la toile et se prolonge vers le sol par des coulures et des filaments qui évoquent des racines, des corps ou des traces d’effondrement. Il apparaît moins comme une forme atmosphérique que comme une concentration de forces, marquée par la gravité et la saturation.

Par une palette réduite de noirs, de gris et de blancs, et par un travail de matière fondé sur l’accident, la coulure et la densité, la peinture altère la neutralité supposée de l’espace architectural. Celui-ci cesse d’être un cadre passif pour devenir un milieu contaminé, affecté par la présence du nuage. L’espace d’exposition est ici envisagé comme un lieu impliqué, traversé par les mêmes déséquilibres que les images qu’il accueille.

La référence au cloud y conserve sa double dimension, climatique et numérique, mais elle est abordée depuis une matérialité assumée. Là où la vidéo mettait en évidence la fluidité et la continuité propres aux images computationnelles, la peinture introduit une résistance. Le geste pictural réinscrit l’image dans une temporalité lente, non optimisable, et dans un rapport physique à la surface, au poids et à la trace.

En ce sens, la peinture agit comme un ralentisseur critique face aux récits technosolutionnistes et à la promesse de dématérialisation associée aux technologies numériques. Elle rappelle que les images, même générées, demeurent indissociables de conditions matérielles, énergétiques et environnementales.

Dark Cloud propose ainsi une image de l’époque comme état instable et durablement perturbé, dans lequel les crises écologiques et technologiques ne sont plus des événements extérieurs, mais des conditions structurelles qui traversent les espaces, les corps et les images.


 

Dark Cloud is a video work created using generative artificial intelligence systems. It constitutes the starting point of a broader project that examines contemporary conditions of image production, considered at the intersection of ecological, technological, and political crises.

The video stages a black cloud evolving within a perspectival architectural space identifiable as an empty contemporary art gallery. This dark, unstable, suspended form unfolds within a geometric, controlled, and seemingly neutral environment. The cloud appears less as a natural phenomenon than as a calculated and ambiguous entity, oscillating between continuous fluidity and latent threat.

The figure of the cloud activates a double reading. It simultaneously refers to the atmospheric cloud associated with climate disruption and to the digital cloud, an invisible yet omnipresent infrastructure upon which contemporary technologies rely, particularly artificial intelligence systems. This superposition creates a tension between the natural and the technological, the visible and the invisible, the phenomenon and the infrastructure, while exposing the illusion of a supposedly dematerialized image.

The use of generative artificial intelligence is not merely a technical choice but a central element of the critical framework. The video explores the capacity of these systems to produce fluid, continuous, and optimized forms, while making perceptible the logic of calculation, flow, and simulation that structures these images.

The immersive soundscape, composed of low respirations, murmurs, and whispers, reinforces the instability of the form and contributes to the installation of a persistent state of tension. The cloud appears traversed by invisible flows, as if condensing forces that exceed the frame in which it appears.

The short, cyclical format establishes a repetitive temporality with no narrative progression. This suspension confronts the viewer with an image that does not resolve itself but persists as a state. The exhibition space, though virtual and empty, no longer appears as a neutral frame but as a site already affected by the infrastructural logics it hosts.

The video thus offers an initial diagnosis of the contemporary image, understood as a symptom of a regime of production grounded in optimization, continuous circulation, and the invisibilization of its material costs.

 

The painting Dark Cloud proceeds from a pictorial displacement of the video project. It does not seek to reproduce its aesthetic but to test its conditions of possibility by reinscribing the generated image within a material, gestural, and irreversible field.

The composition depicts a perspectival architectural space identifiable as an exhibition site, within which an unstable dark mass condenses. The cloud, both floating and grounded, occupies the center of the canvas and extends toward the floor through drips and filaments that evoke roots, bodies, or traces of collapse. It appears less as an atmospheric form than as a concentration of forces marked by gravity and saturation.

Through a reduced palette of blacks, greys, and whites, and through a material treatment based on accident, dripping, and density, the painting disrupts the presumed neutrality of the architectural space. The space ceases to function as a passive frame and becomes a contaminated environment, affected by the presence of the cloud. The exhibition site is here conceived as an implicated space, traversed by the same imbalances as the images it contains.

The reference to the cloud retains its double dimension, climatic and digital, but is approached through an asserted materiality. Where the video foregrounded the fluidity and continuity characteristic of computational images, the painting introduces resistance. The pictorial gesture reinscribes the image within a slow, non-optimizable temporality and a physical relationship to surface, weight, and trace.

In this sense, the painting operates as a critical slowing-down in relation to techno-solutionist narratives and the promise of dematerialization associated with digital technologies. It recalls that images, even when generated, remain inseparable from material, energetic, and environmental conditions.

Dark Cloud thus proposes an image of the present as an unstable and durably disrupted condition, in which ecological and technological crises are no longer external events but structural conditions that permeate spaces, bodies, and images.